Tous différents, tous bio!
Baromètre de la vitalité du bio, le salon Millésime Bio l’est encore dans ses travées, quand les vigneronnes s’expriment sur leur travail, leurs terroirs, leurs attentes, leurs visions. Paroles de vigneron.ne.s, d’ici, de là en Occitanie, région présente en force et en finesse à Millésime Bio : elle couvre 37 % des surfaces viticoles bio en France, 34 000 ha aujourd’hui, 7 % des superficies bio mondiales.

Le bio, comme une évidence: Famille Fabre dans l’Aude et l’Hérault
Parmi les pionniers du bio, la Famille Fabre certifie depuis 1991 une pratique bio à la vigne et en cave.
« Ce n’est pas seulement une certification, mais une façon de voir les choses » explique Clémence Fabre. « un travail avec les plantations de haie, en agroforesterie, des ânes, des poules, un grand respect de nos ancêtres, et des terres qu’ils nous ont léguées, dans la famille depuis 1605. Cela a toujours été une démarche constructrice des vins et essentielle dans cette recherche du terroir. Le bio n’est pas indissociable d’une d’expression pure du terroir. Il permet de coller beaucoup plus à la nature, à l’environnement, qui sont quand même notre matière première ! »
Louis Fabre, son père, détaille : « Ce qui nous parait le plus durable, quand on installe une nouvelle vigne, c’est de planter tout autour des arbres, petits et grands, organiser des distances pour que les animaux se cachent. C’est une nouvelle bio, d’équilibre. Pour  que cela fonctionne, il faut que tout le village soit impliqué dans les plantations, éduquer les enfants qui ont perdu ce contact avec la nature. C’est passionnant. C’est un métier vigneron qui n’est plus dans les techniques viticoles, mais dans un environnement global où il faut arriver à cohabiter dans la biodiversité. »

Tendre vers l’équilibre en biodynamie  aussi: Fabien Leperchois, du Domaine des Carabiniers à Roquemaure (Gard)
Domaine pionnier en culture bio en 1997, labellisé Déméter depuis 2009.
« En biodynamie, on reste dans l’anticipation. On a la chance d’avoir un panel de tisanes qui nous permettent de lutter contre les maladies. Tout un équilibre se crée, sur l’observation, l’analyse, des choses simples. Un peu d’herbe pour restructurer les sols, faire paître els moutons, des jachères, prendre son temps avant de replanter, partager la ressource avec les animaux. On arrive à avoir un équilibre naturel dans les apports, et avec des rendements corrects dus à cette osmose-là.
On pousse les choses plus loin à la recherche d’un esprit de terroir, une minéralité, du fruit. La biodynamie apporte une belle minéralité, une vivacité sur le blanc, par exemple.»

Frédéric Chauffray de la Réserve d’Ô à Arboras (Hérault) : la partition biodynamique
En biodynamie depuis les débuts, en 2005, labellisé Déméter quatre ans plus tard. Frédéric est vigneron et musicien.
« On a replanté des haies en différents endroits. On a une diversité d’animaux qui se promènent beaucoup plus grande qu’avant. Je griffe à peine le végétal au sol, on y voit une population d’insectes qui profitent de cela. Nous avons 12 ha, la culture en biodynamie nous prend un temps bien plus grand qu’en traditionnel. (…) Nous travaillons également en amphores, qui rendent les vins plus droits, plus arrondis d’abord en terre puis en grès. Ce qui compte, c’est l’énergie qu’on insuffle. Si on a une énergie positive à insuffler, ça fonctionne. »

Label ou pas label ? Antoine Loiselier, Acheteur export :
Dans la biodynamie, il y a plus de convictions, c’est un investissement à long terme.
Au-delà du label, ce qui est important c’est le travail, ce que fait le paysan. Le label permet certains marchés, mais certains n’ont jamais eu besoin du label. Ce sont des vins paysans »

Tout un village impliqué dans le bio : Edith Bez au Clos d’Isidore à Murviel-lès-Montpellier
« On a commencé la certification en 2010. On n’a pas vu le temps passer, on ne s’est pas dit c’est trop compliqué. Le bio devient important pour les consommateurs, qui viennent chez nous parce qu’on est en bio. La municipalité de Murviel est très impliquée dans tout ce qui est respect de l’environnement. Tout est conservé, haies naturelles, bois, murets, même en pas très bon état. Ce sont des refuges pour les insectes. J’ai pu ainsi intégrer un programme Bee Friendly, protecteur des abeilles, d’autant plus que sur 8 domaines viticoles, 6 sont en bio. On ne se pose plus la question des pratiques de nos voisins. »

Un bio pour tous, réflexion à l’échelle d’un territoire : Christophe Aguilar, Domaine de la Patience et président de l’IGP Coteaux du pont du Gard
Ma vision dans mon exploitation, elle est au milieu, entre petits producteurs et bio à grande échelle. Un modèle de production fonctionne sur la vente en vrac. Nous voudrions le reproduire sur nos ventes de bouteilles, à travers le territoire, nos bannières IGP Cévennes et Coteaux du Pont du Gard. Nous ne serons jamais des AOP. Mais il n’y a pas que des bouteilles vendues à 25 €. Et tout le monde doit avoir accès au bio. »

Le Bio Plus à grande échelle des Vignerons d’Héraclès à Vergèze (Gard)
Sur 1000 ha, 90 % seront labellisés en vins biologiques d’ici deux-trois ans. D’une capacité de 75 000 hl, la cave pratique un bio élargi à la plantation d’arbres, de haies, pour protéger les sols, la pose de nichoirs pour oiseaux et chauve-souris comme auxiliaires de culture (consommateurs les ravageurs de la vigne et indicateurs du fonctionnement de l’écosystème). A la pointe de la technologie, la cave avance dans une gestion pilotée informatiquement des traitements, ou des besoins d’irriguer. Des capteurs dans le sol pour l’humidité, sur des paramètres qui estiment le stress hydrique de la plante, des analyses de sève qui guident la fertilisation et le dosage des produits, tout cela va dans le sens de rationaliser les besoins de la vigne … et accroître la compétitivité de l’exploitation. »

L’association Sudvinbio gérait à sa création le Languedoc et le Roussillon. Avec le passage à la région Occitanie, elle s’est agrandie de ses vignobles du Sud-Ouest. Premier salon Millésime Bio pour Thomas Piquemal, des Coteaux d’Engraviès (Ariège) : un patrimoine ariégeois chevillé au corps
Le domaine, créé en 1998, a été défriché pour planter de la vigne en culture biologique dès le départ. Il est travaillé en traction animale depuis 2014, avec un cheval castillonnais, race locale voie de disparition qu’on essaie de sauver en lui redonnant une image de cheval de travail. « « Plus il y aura de vignerons bio, de respect de la nature, du terroir, du produit, mieux ce sera »

et Carine Fite, du Domaine d’Herrebouc (Gers) : un Gers encore plus vert
« On est allé vers la bio par philosophie, par lien avec un travail artisanal aussi. Nous passons en biodynamie avec le label Déméter en 2020 pour faire reconnaître cet engagement. Nous sommes très intéressés par la traction animale -les bœufs plutôt que le cheval dans le Gers -, le paturâge avec des moutons de races rustiques. Nous avons même essayé le désherbage avec les oies, mais elles mangent les raisins verts ! »

Les jeunes dans le bio : Rachel Gay, caviste au Sourire au pied de l’échelle à Paris
J’ai débuté dans le métier du vin en 2013. J’étais formatée à l’école par le conventionnel. Le retour à des choses simples, avec cette dimension biodynamique, de vins frais, de l’instant, qui se boivent dans le millésime, cela fait du bien »

Débuter en bio sur un terroir : Chloé Leygue et ses vins grandis dans les sables, à Aigues-Mortes (Gard)
Le domaine était pionnier en bio il y a 20 ans sous le nom de Domaine du Grand Corbières.
« J’ai voulu vraiment m’inscrire dans le magnifique terroir camarguais. Il n’y a que là qu’on cultive du vin grandi dans le sable. Quand on arrive en Basse Camargue, à Aigues-Mortes, on est totalement imprégné par ce terroir, immergé dans une culture forte autour des taureaux, des chevaux. Les vins participent à l’identité des sables. On fait des vins assez légers, fruités, qui correspondent à notre façon de vivre l’été. On a besoin de choses assez rafraîchissantes, sur des arômes fruit et floral. C’est un lien totalement naturel entre vin et Camargue.J’aimerais peut-être après évoluer en biodynamie pour toujours aller plus loin, utiliser moins de produits, être plus proche de la nature.   Les produits, le cuivre, ce n’est pas très bon pour la terre, il faut trouver des solutions, interagir en cohésion avec la nature. »

Convertir de plus en plus d’adeptes : Brice Abbiate, responsable du développement bio chez Gérard Bertrand, négociant à Narbonne (Aude):
« Je m’occupe de 1300 -1500 ha en conversion sur la région. Chaque producteur a des difficultés bien spécifiques par rapport à son domaine. Je l’oriente vers la meilleure solution possible. Avec la bio, on passionne le métier de viticulteur. Pas de une recette ou de  prescription, le vigneron s’adapte sans cesse. Quand j’accompagne un viticulteur en conversion, je le vois évoluer, se poser la question de savoir pourquoi il utilise tel produit, ou dire qu’il ne veut plus en utiliser un autre. Sa conversion lui fait prendre conscience de l’impact qu’il pouvait avoir sur l’environnement, la biodiversité.
Les réticences à passer en bio relèvent de la peur de ne pas être accompagné et de se retrouver devant des problématiques techniques sans réponse. En termes rendements, de beaux exemples de viticulteurs bio montrent qu’ils n’ont pas forcément moins de rendements. La question repose plus aujourd’hui sur un équilibre global de son exploitation, avec un vin plus qualitatif, un prix de vente plus élevé, que sur des rendements phénoménaux. »

Lire également, sur Millésime Bio 2020: https://lesclosdemiege.fr/2020/02/une-planete-vin-plus-verte-a-millesime-bio/

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