Le Grand Précis des vins au naturel de Stéphane Lagorce

Stéphane Lagorce coiffe plusieurs casquettes. Ancien chef de cuisine, ingénieur-agronome et professeur des sciences de l’aliment, il est aussi l’auteur de quelques précieux précis. Ses séries thématiques sur la cuisson, les fruits, s’adressent aux profanes comme aux amateurs, curieux de découvrir un aspect de ce qui nous nourrit. Ouvrages didactiques, ils bénéficient d’une direction artistique et d’illustrations lumineuses d’Elodie Campo. La réédition du Grand Précis des vins au naturel (Homo Habilis, novembre 2021) balaie en quatre lieux essentiels du vin (le sol, la vigne, le chai, le verre) ce que les pratiques bio, biodynamique, nature, jusqu’au sans sulfite ajouté lui apportent. Elle interroge finalement : « Qu’est-ce qu’un bon vin pour vous ? ». Lisez les réponses de vigneron.ne.s, sommeliers, journalistes, cavistes, adeptes de vins nature ! Il m’a aimablement autorisée à reproduire ma réponse d’historienne et de vigneronne ici.

Derrière la question d’actualité, alors que nous cherchons tous la bonne bouteille, le bon accord pour nos tables de fêtes, perce un bouleversement en profondeur de notre perception du bon. Les vins bio, biodynamiques modifient la dégustation, exaltent les arômes, le fruit, l’expression du terroir. Plus encore, au naturel, ils cassent les codes établis par des décennies de pratiques conventionnelles et des cahiers de charge rigides. Alors, à vous de déguster et de vous faire votre opinion du « bon » !

Qu’est-ce qu’un bon vin ?

Côté histoire

L’historienne répondra « un vin qui fait du bien », dans la lignée des médecins antiques, premiers prescripteurs et agents publicitaires du vin. En préconisant des usages thérapeutiques et préventifs, ils instaurent une vision bénéfique du vin. Cette culture perdure à travers les siècles, avec une acuité plus grande à partir de grandes épidémies médiévales, dont la peste noire. L’eau, souillée, répandant les maladies, l’usage du vin est placé comme rempart protégeant les individus (hommes, femmes et enfants confondus). Cette vision se transmet jusque fin XIXe siècle lorsque Pasteur – encore un médecin – en fait « la boisson la plus hygiénique ».

Un bon vin, c’est aussi un vin-aliment, qui nourrit le corps du travailleur et l’esprit. Au fil des siècles, le vin s’ancre à la fois dans notre alimentation, comme une de ses composantes, et dans notre culture, comme compagnon de route des arts et artistes, art de vivre en lui-même.

En termes qualitatifs, un bon vin, c’est, dès le Moyen-Âge, le vin d’un lieu, ville, abbaye ou territoire. On le protège jalousement des convoitises par des droits d’entrée, puis par une estampille sur les fûts, en garantissant la provenance. Néanmoins, il faut attendre le XXe siècle pour que le chemin tracé par des vignerons exigeants prenne corps avec la création de l’INAO (1935) et des AOC (1936). Un bon vin, c’est alors, délimité dans un périmètre géographique précis, encadré dans un cahier de charges qui fixe l’excellence et l’ancienneté de pratiques et d’usages, un vin à l’élaboration maîtrisée, expression de son terroir. Avec les progrès de l’œnologie, science récente, un bon vin, c’est même un vin sans défaut, d’une qualité égale, reproductible d’année en année.

Un bon vin aujourd’hui

Un mouvement fait jour pour lui donner une autre tonalité : c’est celui qui ne comporte plus de produits ajoutés, dangereux pour la santé. Le bon, c’est le bio, puis le vin au naturel, sans artifices, vécu comme un retour à la nature, mais aussi protecteur à nouveau de notre santé, celle du producteur comme du consommateur.

En travaux pratiques

L’apprentie-vigneronne dira, qu’un bon vin, en ce début du XXIe siècle, c’est un vin vivant. Il s’accorde avec la nature qui en produit le fruit, et avec le temps, le bon sens, la lenteur nécessaire qu’il nous enseigne. Un bon vin, c’est du raisin, du raisin, et du raisin. Du travail, de la rigueur, de la précision aussi. Mais au-delà de ceux qui font ressurgir la bios grecque, la vie, ou des goûts disparus, le meilleur des vins demeurera celui, ineffaçable, bu ensemble. »

Je remercie vivement Stéphane Lagorce qui pose les bonnes questions! En m’autorisant à diffuser ce texte  il me permet de poursuivre l’archivage d’écrits autour du vin. Des écrits en liberté, toujours. Je vous souhaite de savoureuses fêtes.

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