Il règne aux Clos de Miège comme un air de renouveau. La fraicheur perdure, bénéfique à la vigne, tout comme la neige tombée en quantité en début de mois – trente ans que nous n’avions pas connu un tel épisode – . Ne dit-on pas que « Neige vaut engrais » ? Les pluies abondantes ont rempli les nappes phréatiques, où les racines des ceps iront puiser des forces cet été. La taille s’étire, sans hâte, attendant la lune descendante pour reprendre, le 25 mars, au pied de la Gardiole, sur la pointe du Four. Le soleil qui s’installe à nouveau, les jours qui allongent, dopés par le prochain changement d’heure, et la joie d’avoir porté, ces deux derniers mois, un patrimoine viticole, un travail exigeant et des vins vers une forme de reconnaissance revivifient ces terroirs historiques longtemps endormis.
A Vinisud, en Pic-Saint-Loup, à Perpignan, dans la Vallée du Gier … à chaque étape, à votre rencontre, dévoiler le muscat à petits grains autrement, hors des sentiers battus et des codes habituels de dégustation. Faire renaître des pratiques d’excellence oubliées, en production naturelle. Susciter surprise, curiosité, émotions de votre part. Des accords culinaires jaillissent de nos discussions, vous interrogent, vous conquièrent. Nous partons ensemble près de Montpellier ou sur d’autres rives de la Méditerranée, dans l’Orient grec, dans d’autres temps… pour évoquer un travail personnel comme celui d’autres vignerons, innovants, tenaces.
Il subsiste de ces jours de salons et de dégustations l’empreinte de dialogues d’horizons divers dont le vin a le secret, d’appréciations stimulantes, à l’exemple de celles d’œnologues réunis à Perpignan, circonspects devant un muscat en vin nature et sans mutage à l’alcool, puis emportés dans le tourbillon de saveurs et d’accords. Celui proposé par notre hôte, Laurent Bauby, restera dans ma mémoire : Prima Ora 2015 servi, à son insistance, sur une salade de gambas et clémentines aux cinq épices et vinaigrette au miel, je n’aurais jamais osé ! Ni retrouver la cuvée au dessert, sur une crème catalane safranée, parmi les vieux millésimes de VDN du Roussillon. Je pense également à une journaliste américaine rencontrée au salon Gier Vin à L’Horme, séduite par ma démarche, et à Bernard Burtschy, à côté duquel j’ai eu le bonheur de dîner, voyageant d’Arménie en Chine, jusqu’à nos rivages languedociens. Garder le cap, parce que « le muscat devrait être comme celui-là« , vin naturellement doux, vin nature « sans déviation » qu’il a dégusté sur Prima Ora 2013.
Pas à pas, une aventure déraisonnable et rigoureuse, précise, prend sa place, laissant le temps au temps, traçant une ligne droite vers un seul but: redonner des lettres de noblesse à un très grand cépage. Je salue les instigateurs de ces rencontres, Laurent Lafont, président des Héritières de Bacchus, Laurent Bauby, œnologue spécialiste du bouchon et de l’obturation, Florian Reynaud, coordinateur général du Gier Vin et Franck Kukuc, Buveur de poèmes. Ils savent comme je leur suis reconnaissante de leur bienveillance. Et à vous qui lisez ces lignes de votre intérêt pour un chemin original.
« Le printemps est un devenir ; c’est la saison de la préparation, de l’espoir. J’ai toujours préféré le bouton plein de promesses à l’épanouissement de la fleur » écrivait Victor Hugo. Les bourgeons prêts à éclore, le cycle recommencé de la vie, la vigne emplie de sève et nous de douce joie… 20 mars, premier jour du printemps, journée mondiale du bonheur, l’accord était parfait, concrétisant cette vitalité ardente et renaissante. Nous la portons aux Clos de Miège, avec l’espoir renouvelé que le ciel ne s’abatte pas encore en 2018 sur la viticulture et ses fragiles ouvrages.