Le réchauffement continu de la planète depuis la révolution industrielle, de + 1,5° à Montpellier en 150 ans, connaît une accélération brutale dans les dernières décennies. la température s’élève, le cycle des pluies se dérègle, la variabilité du climat s’accroît (épisodes cévenols, gels, étés secs). Les zones favorables à la viticulture se déplaceront sur un axe sud-est / nord-ouest, selon le dernier rapport de Greenpeace. Le Languedoc et l’ensemble des vignobles du Midi seront bien les premiers exposés à la sécheresse, au risque de montée du niveau de la mer, à l’érosion de la biodiversité. Les impacts sur les cépages, les pratiques à la vigne et en cave, les terroirs appellent des adaptations urgentes qui mobilisent chercheurs, pouvoirs publics et professionnels du monde viticole.


Pour l’instant, même si la vigne se développe plus vite, avançant les dates de vendanges, les hausses de température ont un effet bénéfique sur la qualité, donnant des vins plus alcoolisés, moins acides. Aussi, les vignerons se félicitent-ils d’une succession de millésimes excellents. Mais les composantes biochimiques du raisin se modifient, découvrant de nouveaux profils aromatiques qui influent sur le goût du vin.
Le changement climatique altère les rendements et  quand la vigne manque d’eau, en stress hydrique comme nous l’avons connu ces dernières années, l’échaudage altère la qualité et  la viabilité même de la vigne.
Les impacts économiques toucheront l’utilisation des produits, les coûts de production, les revenus des viticulteurs. L’augmentation du risque de perte de récolte, et du risque sur la valeur du vignoble sont à craindre. Un enjeu patrimonial fort tiendra à la modification des terroirs. L’introduction de Carignan est testée à Bordeaux. Les chercheurs envisagent la présence en 2040 de cépages méditerranéens en Bretagne, ou de champagne en Pologne. Nous entrerons dans une compétition accrue entre régions, mais aussi avec les pays émergents en Europe, Angleterre et Allemagne en tête, et dans le Nouveau Monde.

Comment s’adapter à cette nouvelle donne?
Les avancées scientifiques visent à implanter des cépages plus tardifs, modifiés par métissage ou crées. L’INRA dispose pour cela d’une collection unique sur trois domaines en Languedoc (Chapitre, Vassal, Pech Rouge).
Le traçage de la carte génétique de la vigne permet de repérer des gènes résistants à la sécheresse, aux principales maladies.
A cette modification, des vignerons préfèrent de vieilles méthodes, la réintroduction de cépages oubliés ou rares, adaptés au lieu de production, ou la sélection massale (surgreffage de sarments à maturité tardive, ou de pieds très qualitatifs). Les nouvelles techniques de vinification seront à visée corrective: désacidification, utilisation de levures moins efficaces dans la transformation du sucre en alcool, voire désalcoolisation du vin.
Les chercheurs testent de nouveaux modes de conduite de la vigne qui la protègent de la chaleur et séquestrent le carbone dans le sol, comme la taille « en cordon déployé », laissant le feuillage retomber sur la grappe, l’enherbement, la plantation d’arbres dans les vignes. Des pratiques que connaissent bien les adeptes d’un retour à des conduites propres et diversifiées du vignoble, de la biodynamie au labour à cheval, au désherbage naturel par moutons et chèvres.
Entre les deux tendances qui convergent en quelques points, l’agriculture conventionnelle, longtemps négligente de la question environnementale, a appauvri la biodiversité et les sols. Le réchauffement climatique fournit l’occasion de rattraper un mouvement en marche, que les pouvoirs publics ont inscrit en « agro-écologie » dans la loi d’avenir pour l’agriculture (2014). Des scenarii envisagent une vigne totalement bio, tout au moins en agriculture raisonnée en 2050, usant de panneaux solaires, de circuits de distribution courts et économe en eau. L’irrigation, là où elle sera possible, sur environ  1/4 du vignoble languedocien, sera ponctuelle et de précision, en goutte à goutte, et peut-être issue du recyclage d’eaux usées, en test à Pech Rouge, à Murviel-lès-Montpellier.

Quelles stratégies pour continuer à produire sur nos terroirs?
Les stratégies figées (ne rien changer) ou conservatrices d’un état ne suffiront pas à faire face aux bouleversements, prédisent les chercheurs. La prospective imagine une délocalisation des terres, voire des vignobles nomades, et même sur roulettes! Maintenir les vignobles dans leurs aires actuelles, même si la qualité des vins se modifiera, demandera des innovations radicales. Le viticulteur, attaché à son terroir, est prêt à y consentir, estime Jean-Marc Touzard (INRA). Il faudra déplacer les plantations, modifier les expositions, s’adapter sans cesse. C’est l’occasion pour les viticulteurs, leurs syndicats, de repenser leur stratégie à tous les niveaux, à l’échelle locale  sur la parcelle, l’exploitation, le terroir, mais aussi à l’échelle de la région, du pays.
Les chercheurs envisagent non pas une, mais des solutions, multiples, combinées entre elles, conçues pour chaque territoire, interactives entre scientifiques, pouvoirs publics et vignerons.
Dernière inconnue, comment les consommateurs percevront-ils ces changements?
Le goût du vin évolue de tous temps. Celui du réchauffement n’y échappera pas. Testés à Bordeaux, de tels vins donnent des résultats mitigés: séducteurs de prime abord, ils lassent dans la durée des dégustations. Le consommateur aussi devra s’adapter.
Les changements climatiques changeront avec eux nos cépages, nos pratiques, nos patrimoines viticoles. Jusqu’à + 2° en 2040, objectif fixé par la COP 21, le maintien des vignobles actuels est envisageable, y compris dans le Midi. Les années cruciales à venir malmèneront la notion si française de terroir – il n’existe pas de traduction au mot – , déjà classé au patrimoine de l’UNESCO en Bourgogne et en Champagne. Que deviendra la notion même de patrimoine quand on projette des vignobles nomades? Un sacré défi pour nos chercheurs, nos pouvoirs publics et professionnels, et pour le vigneron dans son quotidien, à la vigne et en cave, de plus en plus connecté aux battements du monde.


Restaurer la biodiversité
L’exemple du projet LIFE+ Biodivine: le projet a pour objectif de conserver des espèces par aménagement des structures paysagères agricoles. Il est coordonné par l’IFV, financé par l’Union Européenne sur sept sites (France, Espagne, Portugal) dont trois en Languedoc: Costières de Nîmes, Limoux, Cotes de Thongue. Il vise à recenser, restaurer et replanter des haies, arbres isolés, créer des mares, remonter des murets et cabanes en pierre sèche, enherber, semer des parcelles au repos, lutter contre la confusion sexuelle au lieu de se servir de pesticides. L’expérience en Cotes de Thongue, retracée au Sitevi par Emilie Alauze, viticultrice, présente l’originalité de proposer un autodiagnostic par le vigneron lui-même sur la biodiversité et l’eau.
Autre initiative, une pratique d’enherbement en AOP faugères a été visitée par Stéphane Le Foll, Minsitre de l’Agriculture. Il a découvert un des premiers GIEE (Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental) reconnus en Languedoc-Roussillon, le GIEE de la CUMA des Enherbeurs, collectif de quatre viticulteurs.


Article paru le 11 décembre 2015 dans Montpellier-Infos et Thau-Infos

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Les Clos de Miège
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Flo Clos de Miège
Tchin tchin! Les trois feteasca (cépages locaux roumains) réunies dans un seul vin par Jelna Winery, au pied des Carpates. Alba, regala et neagra fusionnent et s'équilibrent dans Tria. Bonheur de les déguster à l'autre bout de la Roumanie, au bord de la Mer Noire
#feteasca #jelnawinery #vinroumain #winelovers
Fin du périple roumain près de la mer Noire, berceau du vin. Ce n'est que de l'eau, mais l'émotion est là
Mer de nuages sur la Méditerranée pour un voyage aux sources du vin
Séjour royal au Château de Chambord, dont le vignoble ancestral (mentionné dès le XIVe siècle) refleurit aujourd'hui, en cépages autochtones et francs de pied et en aoc Cheverny. Sur un pavé d'esturgeon, divin avec son fumé, ses fleurs blanches, sa fraicheur #chambord #aocheverny#francsdepied
Grand break estival de réseaux sociaux, mais cela ne m'empêche pas de vous adresser un très grand merci pour vos retours de lecture, vos messages de vive voix, vos petits mots chaleureux pour mon second ouvrage. Je suis très touchée. Une fois publié, un livre ne nous appartient plus. Il vole de ses propres ailes, se soumet à d'autres interprétations, d'autres appréciations que celles envisagées à l'écriture. Vous ouvrez de nouveaux champs de réflexion, et cela m'est incroyablement précieux.
Bon, le troisième est en route. Promis, cette fois, je ferai court 🙂
Et suivons les conseils de l'Oasis citadine, qui réintroduit l'agriculture en milieu urbain à Montpellier ...
Promenade (studieuse) dans la plaine biterroise. Heureuse de voir le bio, la bios (la vie en grec) refleurir. Les premières cigales
ne diront pas le contraire ! Là où se concentraient autrefois de très gros volumes de production en vin de table, des pratiques pionnières en culture biologique ont construit le plus grand vignoble bio de France et la première région viticole bio européenne. 34% aujourd’hui des vignes d’Occitane sont bio (22 % en France)
#sudvinbio #vinetpatrimoine
RDV demain à Paris pour la signature de mon livre, et pour échanger, au cours d'une table ronde animée par Florence Hernandez, sur
C'est un D Day à ma modeste échelle. Le vin par tous les temps arrive à bon port dans les bacs aujourd'hui. Il sera demain à Sète, lieu prédestiné pour une rencontre des arts et des vins.
Il est des voyages dont on aime qu'ils viennent jusqu'à vous. Merci pour vos enthousiasmes et vos soutiens au long cours! #levinpartouslestemps #vinbiologique #vinetpatrimoine #changementclimatique #femmesduvin
Voir le vin en blanc ... et en bio dans les Cévennes.
Le salon Cévinbio proposait à Sauve (Gard) des références, de nouveaux venus, de la biodynamie (La Tour de Baumel bientôt, le Clos des Ors), des Vins Méthode Nature (impeccables au Clau du Sol). Tous amoureux de leurs parcelles, leurs cépages, classiques sur des roussanes, vermentinos, viogniers, grenaches, avec une touche de muscat à petits grains dans leurs assemblages, des chardonnays qui se plaisent là (Mas de Servon, La Tour de Baumel). Le Domaine Sainte Octime les rassemble en une cuvée Les Six (cépages) sur une parcelle complantée et vendangée le même jour.
Les vignerons s'essaient à tout : aux cépages résistants au mas des Cabres -un floréal exubérant, peu acide-, des cépages venus d'ailleurs (Portugal, Espagne, Grèce, Italie) chez Jérôme Pépin, pour contrer les effets de la sécheresse. Et puis de vieux cépages oubliés : l'ugni blanc au si joli aromatique de noisette grillée au Clos des Ors, fait des Etincelles au Mas Seren.
Les vins blancs des Cévennes apportent depuis de nombreuses années fraîcheur et sincérité de leur engagement dans leurs cuvées. 
#cévinbio #igpcevennes #vinbio #vinbiodynamie #vinmethodenature #voirlevinenblanc
La grande fête des vins bio s'annonce - car le vin est une fête, en responsabilité, avec modération -. Comme chaque année à Montpellier, la planète bio s'invite fin janvier à Millésime Bio, le plus grand salon mondial des vins et boissons alcoolisées. + 5% de vignes bio, + 6,3 % de chiffre d'affaire en 2022, 39 % de nouveaux acheteurs, des consommateurs qui achètent plus de vins bio (derniers chiffres connus, 2022), la filière bio résiste. Obstinément ancrée dans ses valeurs et avide de faire bouger encore les lignes, elle met en aujourd'hui avant la biodiversité, les démarches éco-responsables. Une première Fête du Bio, du 27 janvier au 3 février, se tournera vers le grand public, dans les bars à vin, cavistes et restaurants de la métropole. Un site récemment lancé par Sudvinbio, l'association organisatrice de ces manifestations, répondra à toutes les questions que l'on se pose sans oser le demander sur: levinbio.fr
En attendant, Challenge Bio, son concours, peaufine la récompense de belles cuvées,
Merci pour toutes ces rencontres et découvertes qui ont éclairé l'année. RDV en 2024 avec du bio, du bon, des vins pour braver le temps, et un livre qui patiente sagement (parution au printemps). Bon bout de l'an, et à l'an que ven!
Douces fêtes à vous, savoureuses, respectueuses de la terre, solidaires des autres. Que les fruits du travail vigneron vous accompagnent dignement!
Moi en 2023.Les yeux ouverts dans toutes les directions, et préparant conférences et futures master classes. Oeuvre de Stephan Chinikov
Ceci n'est pas du vin. C'est du no/low, une boisson à base de vin désalcoolisé. Dégusté (si l'on peut dire) au salon SITEVI lors d'une master class des Laboratoires Dubernet. Existe même en bio. #vindésalcoolisé #sitevi2023
L'Originel nouveau (27 mois d'élevage quand même) en dégustation à l'Office de Tourisme de #Montpellier Méditerranée Métropole, avec le travail de #margotmerandon sur une ancienne cuve à vin. Voilà ce qui s'appelle une culture partagée. Avec @archipeldethau @vivez_montpellier, pour la candidature de Montpellier capitale européenne de la culture
Prima Ora, vin issu de muscat à petits grains en surmaturation, m'accompagnait près de Moulins pour une conférence sur le vin antique à l'epoque gallo-romaine. Comme un retour aux origines, qui faisait sens et mobilisant tous les sens
#muscatpetitgrain #vinensurmaturation #vinantique #vinetpatrimoine
Partout en France, des conservatoires de cépages anciens, oubliés  entretiennent la memoire de ces vins d'un lieu qui nous sont chers. 
Ici, celui de  Chareil-Cintrat dans l'Allier, préserve le tressalier, le gamay fréaut et autres variétés cultivées dans le Bourbonnais, notamment dans le vignoble ressrgi de Saint-Pourçain
#cepagesanciens #conservatoiredecépages #tressalier #saintpourcain
En route vers de nouvelles aventures patrimoniales. Ciel d'automne bourbonnais
Le voile se lève sur des rancios, vins oxydatifs secs au salon Be ranci. Éclairage sur des vins hors du temps, hors du commun, hors des mots, pour confiner au merveilleux
Avec #domaine de la ramaye #christian binner #chateaudelou #mascoutelou #vinrancio #vinsoxydatifs
Inventivité cévenole pour maintenir la biodiversité. Treilles sauvages glanées, cépages interdits jusqu'à peu (baco, isabelle, villard blanc) mais aussi vignerons courageux, ils travaillent tous à la persistance de la vigne en Lozère, en mode biologique. C'était un plaisir de les retrouver à la Fête de la vigne et des vergers de Quézac (où on ne boit pas que de l'eau, je confirme)#vigneronsdelozere #biiodiveristé #cevennes #vindescevennes