En bord de Méditerranée, point de grandes marées, même si quelques raz ont submergé plusieurs fois au cours des siècles les terres littorales. Mais, telle la mère dans le roman de Marguerite Duras, nous dressons chaque année, dès la fin du Printemps, nos barrages contre la submersion des maladies, l’oïdium, auquel le muscat à petits grains est très sensible, et le mildiou, causés tous deux par des champignons microscopiques.
En culture biologique, naturelle, les barrages sont d’abord et avant tout préventifs. Ayant repéré les années précédentes les points de départ de la maladie, nous soignons les feuilles avant l’apparition de signes. Nous travaillons dans le même temps à créer des conditions sanitaires optimales. Le mildiou attaquant par les feuilles basses, le tour du pied requiert notre attention. Un grand nettoyage déloge les plantes parasites rebelles et ne laisse aucune herbe concurrente à la vigne. L’épamprage et l’écimage mobilisent nos mains pour finir de donner force et vigueur dans tout le bois. Epamprer, c’est d’abord se courber –beaucoup !- pour enlever les repousses sur le tronc et les « gourmands », rameaux sans raisin ravissant la sève, et laisser le champ libre au développement des branches porteuses de grappes. L’écimage étête les bouts de rameaux, plus sensibles aux maladies. La taille en vert, pratiquée pour la première fois cette année, parachève le travail de prophylaxie en aérant le feuillage, en particulier en son centre, source de foyers de maladies.
Cette attention régulière à la plante, dans un travail artisanal non ou peu mécanisé, les observations nécessaires pour choisir le moment opportun, la bonne météo, les lunes et les vents favorables pour travailler, créent un rapport particulier avec la future récolte. A la rencontre des consommateurs, qui me demandent ce qu’il y a dans le vin qu’ils dégustent, Originel ou Prima Ora , je réponds : « du raisin, du raisin, et du travail », tout ce que nous mettons en œuvre actuellement.
Des barrages de traitements, il en faudra, toujours au moyen de produits naturels, soufre-fleur ou plantes et autre eau de mer, quand la maladie reviendra, tel l’Océan Pacifique dans les terres de Cochinchine. Et nous en dresserons bien d’autres, contre l’imbécilité –de ceux qui ont ravagé la vigne du Four il y a trois ans-, mais surtout pour : pour faire renaître de leurs cendres des productions d’excellence oubliées ou reniées, pour faire vivre des modes de production biologiques, des vins natures au service d’un environnement exceptionnel et fragile, pour protéger des vignes des convoitises, ou de l’abandon, au service d’une histoire hors pair porteuse d’un patrimoine menacé.
A la fin de l’été, nous récolterons les fruits de ce patient ouvrage, contre notre Pacifique à nous.