Aux travaux littéraires et patrimoniaux s’ajoute, comme une évidence aux Clos de Miège, un travail sur le vin, sur ce muscat à petits grains qui a façonné plus de 2000 ans d’histoire sur nos rivages méditerranéens. Depuis le mois de mai, sorties de mise en bouteille rituelles du printemps, les cuvées s’exposent. Les voici, l’Originel et un Prima Ora en toute petites quantités, présentées de ci de là, où des initiatives font converger patrimoines et culture biologique, pour mon plus grand bonheur.

Donner à déguster dans des lieux éminemment patrimoniaux
C’est à Mirepoix (Ariège) en pays cathare, cité hautement patrimoniale et accueillante, dans son cœur médiéval aux façades colorées, aux galeries couvertes sculptées de cent personnages. Sous la halle couverte elle aussi, au style Baltard (fin XIXe) se tient le 3emarché bio, vins et victuailles réunis en une promesse de banquet occitan. On y croise un vigneron suisse et ses cépages importés, des prunelard, ondenc, loin de l’œil ou mauzac venus de Gaillac, de jeunes vignerons locaux, Thomas Piquemal sur ses Coteaux d’Engraviès ou Alexandre Coulange, et ses vins S.A.I.N.S, et des amies retrouvées, Sandrine Courjan de l’Abreuvoir ( Aude) et Hélène, du Domaine d’Herrebouc (Gers) . Jean-Luc Matha, du Domaine éponyme à Marcillac (Aveyron), incarne un patrimoine vivant à lui tout seul, gardien de vignobles et de pratiques. Tous bio, en biodynamie, voire nature. Parmi eux, l’Originel s’offre tout en douceur à la dégustation, miel et agrumes, coing dominant et gingembre frais.

Donner à déguster dans des lieux du vin privilégiés
Des lieux où les vins respirent, se sentent bien, s’arrondissent, c’est Au vin vivant à Sète.Une dégustation comme j’en rêvais. Les Clos de Miège et le Domaine Ribiera inaugurent la formule sur des accords concoctés par Corinne et une équipe étoffée cet été. L’Originel sur des fromages de brebis affinés, Prima Ora en mode classique sur des chocolats noirs sud-américains emportent les palais vers des fusions ou des dialogues gustatifs.
Quand il s’agit de découvrir les vins de mon voisin, Régis, c’est un blanc que je choisis. Pur hasard, voilà une clairette sèche de son terroir de prédilection, près de Paulhan (Hérault). Décidément, pas de répit dans la quête de connaissance de ce cépage passionnant, le plus ancien du Languedoc. Une nouvelle pièce à conviction est versée au dossier ! Au Vin vivant, lieu de toutes les rencontres, nous croisons ce jour-là des vivants parcourant la France à vélo ou en chansons, l’ami Pierre et Philippe, un pet ‘Nat’ Hors les murs tout en finesse. Et lorsque la dégustation terminée, Catherine écrit « comme toujours, beau, riche et lointain voyage que cette mémoire vivante avec laquelle Florence fusionne littéralement pour nous en offrir toutes les saveurs », quel bien peut être plus précieux que ces rencontres ?

L’atelier de dégustation vins et chocolat organisé par Sandra Martinez à Alès, participe de la même veine: lieu frais et intimiste, chaleur humaine et désir de créer des liens de toutes natures, entre vins et chocolat avec le Maître-chocolatier Alfonso Cannarozzo, en compagnie d’autres vignerons, ici Frédéric Kchouk du Domaine de Coullorgues, et ses cuvées 100% Syrah, entre habitués et nouveaux amateurs. L’Originel accompagne à merveille un cru des Iles des Grenades 65%. Prima Ora, que le printemps émoustille, s’harmonise avec un cru d’exception sur un tout petit terroir, comme lui : un Venezuela Chuao 70%. Fermer les yeux et tout oublier…
Belle soirée en terre cévenole, dont Sandra sait orchestrer les ressorts avec sa discrétion et sa finesse coutumière. Ajouté à cela sa bibliothèque, alimentée en permanence d’ouvrages de références dans le vin bio et nature, le plaisir de faire déguster dans cet espace est complet.

Donner à déguster, dans une expérience inaccoutumée
A l’occasion de #piedsnusdanslherbe2, manifestation qu’il organisait chez le vigneron Vincent Bonnal à Bédarieux (Hérault), Franck Kukuc le Buveur de poèmes nous proposait, le 9 juin, une sophro-dégustation, expérience mêlant des exercices de sophrologie et la découverte d’un vin par l’éveil des cinq sens. Sous les mots distillés par Myriam, sophrologue, nos facultés, aiguisées, s’ouvrent à la découverte. Yeux mi-clos, ouïe, accompagnée du chant des oiseaux dans l’arbre proche, odorat et goût grands ouverts sur l’écoute de nos sensations propres, nous progressons dans notre perception, dans l’interprétation intérieure de nos ressentis sensoriels. Entendre le vin, toucher le vin (j’y aurais bien trempé les doigts !), pas à pas ouvrir toutes les portes.
La dégustation prend tout son sens -un sixième ?- avec le vin en biodynamie de Céline Oulié, du Clos Les Mets d’Ames en Madiran, « Les sens de la vie », comme une invitation à se laisser porter par une autre façon de produire. Accompagnant la nature, en harmonie avec le cosmos, son vin nous fait voyager intérieurement, en toute liberté : yeux fermés, sans paroles si ce n’est la voix de Myriam qui nous guide, les perceptions ne sont pas perturbées par l’extérieur, ou influencées par l’avis des autres. Puis nous partageons nos expériences propres tous ensemble, avec le sentiment d’avoir vécu un moment de dégustation privilégié, mémorisé avec plus d’acuité, plus de plaisir. Un moment unique où fusent, en nuage, les mots de notre Buveur très illustre :
Éveil, temps, porte, prendre, fluidité, équipe, doux, amour, conscience, fabuleuse…

Que souhaiter de plus à cette expérience, sinon de se voir reproduite, diffusée dans des cercles de plus en plus larges, curieux d’une approche grand ’ouverte sur les vins, sur soi-même et sur les autres ?

Donner à déguster, c’est aussi recevoir les vins des autres
Tonnerre de bio, le 10 juin, dans les Cévennes,quel salon ! C’était beau, c’était bon et les vins bio ou nature filaient droits, frais, élégants, charmeurs ou suaves…Première cuvée des Terres du Gaugalin, merveilleux grenache blancs Et Cætera ou la Glacière, blancs et rouges du Domaine Deleuze-Rocherin, sans sulfites ajoutés De Grappes et d’Ô, fabuleux terroir du Domaine Demejeanne, bu jusqu’au Calice et son système d’aération des vins. … Pas tout goûté, mais une ambiance comme on voudrait en voir souvent, de fête et de feu ! A retenir, le mémorable Championnat du monde des oeufs mimosas revisités, un moment d’anthologie.

Toutes ces expériences ont en commun de s’inscrire dans un collectif, une communauté de travail, en bio et nature, de pensée, sur notre environnement et nos responsabilités, d’approche de notre rapport au monde et aux autres. Se sentir un maillon dans cette chaîne et dans cette vision donne tout son sens à l’expérience menée à son humble échelle aux Clos de Miège.

Donner à déguster. Ce titre fait écho à un recueil de poésie de Paul Éluard, Donner à voir, offert par mon frère, porteur de voyages et de sa mémoire. Le vin, pour se rapprocher des absents.

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