Voyager au cœur des mues du vin, c’est aller aussi, à Wine Paris et Vinexpo, vers des patrimoines viticoles qui transcendent les frontières. Ainsi en va-t-il de l’initiative incandescente des vignerons d’Auvergne de ne plus se centrer sur un cépage, un terroir, une appellation mais sur l’esprit d’un territoire qui passe par son sous-sol, ici une assise volcanique. Après s’être réappropriés leurs volcans, suscitant un véritable engouement lors d’un salon en 2020 avec leurs cousins d’Amérique, ils se sont reliés en association autour de cette identité propre. A travers le monde, Vinora court des cotes d’Auvergne jusqu’au fin fond de l’île Nevis, de l’Autriche à Israël.

Le sous-sol, socle commun des vins volcaniques

Partout, les vins volcaniques ont en commun quatre types de roches nourricières : basalte, pouzzolane, pépérites et pierre ponce forment un tronc commun. Ils induisent des particularités, sur seulement 2 % du vignoble mondial, mais avec des expressions sensorielles singulières. Quel que soit le cépage ou le millésime, la fraîcheur, la salinité, des notes fumées et poivrées, une minéralité (pierre à fusil) marque les vins. A la dégustation, ils créent une tension, une intensité, une complexité. Ils envoient beaucoup d’informations ! En même temps, ils racontent une histoire commune, dans laquelle le public redécouvre des passions enfantines. Ils distinguent celle de volcans effusifs, éruptifs, actifs ou endormis vieux de 25 comme de 350 millions d’années.
L’originalité de la démarche tient plus encore dans la volonté de Vinora de remettre le sol au centre de l’élaboration du vin. Du magma, « une soupe de silices » nous explique le volcanologue Patrick Marcel, s’écoulent des laves basaltiques, chargées de sels minéraux. La vigne se nourrit de leur dégradation dans le sol. « C’est lui qui fait le vin » s’exclame Fabrice Sommier, président des Sommeliers de France. Parfois, comme sur l’Ile de Pico (Açores), les ceps sont plantés directement dans la lave, et protégés des embruns marins par des murets de basalte. De même, à Lanzarote (Canaries) les vignes sont plantées sur les cônes de scories des laves. Par-dessus tout, leur sol très drainant et des micro-porosités dans des alvéoles protègent de la sécheresse, comme sur l’île de Santorin.

Mais une identité sans frontière

Ces terroirs uniques par leurs caractéristiques propres créent un lien fort entre régions du monde, vignerons et professionnels du vin, comme avec John Szabo, sommelier expert en terroirs volcaniques. « La famille a su se rassembler » se réjouit le vigneron Pierre Desprat, vice-président de Vinora. Être petits, dans un monde viticole en crise, s’est mué en une force « Les vins volcaniques passent mieux le trou d’air. Cela donne beaucoup d’espoir à de petits vignerons d’exister dans le grand monde du vin » » ajoute-t-il.
En France, les Auvergnats des cotes d’Auvergne et du Forez ont fédéré des terroirs disséminés en Ardèche, Cotes de Brouilly ou Alsace, comme chez Thomas Schlumberger, en Provence et Bas-Languedoc. D’autres adhérents affluent de l’Arménie aux États-Unis, de l’Italie, la Hongrie jusqu’au Chili.

La naissance d’un label, Volcanic Origin

Basé sur des études scientifiques et sensorielles, un profil de vin volcanique est né, et avec lui l’idée de créer un label. Sous le signe d’une origine commune, une Volcanic Origin, il entend fédérer, en identifiant des parcellaires et des zones d’appellation volcaniques. Il vise également à former public et professionnels à cet esprit. La certification, valable dès la récolte 2024, sera accompagnée d’une bouteille particulière.

Déjà, dans les allées de salons, se dégustent ses futurs contenus. Un côté de brouilly du Domaine des Fournelles, sur diorites, puissant et soyeux, long en bouche et avec de l’acidité tutoie un gamay frais et léger sur basaltes au Domaine Desprat Saint-Verny. La salinité y est une ligne conductrice. Des tokays secs sur furmint nous offrent fraîcheur un léger fumé, avec des épices et des agrumes chez Zsirai ou Balassa. La dégustatrice Gabriella Orosz m’explique comment la roche rhyolite, chargée de silices, donne la salinité. Encore de la fraîcheur, des notes fumées, de la minéralité sur cépages locaux chez Planeta, près de l’Etna. La même complexité se retrouve à Vérone, chez Federico Zambon, sur trois volcans, « protagonistes de nos vins ». De même, un terret-bourret de 95 ans de La Font des Ormes près de Pézenas (Hérault) délivre ce socle commun, alliance de minéraux et de fraîcheur.

 

Avec Fabrice Sommier, nous pouvons conclure que « ces vins nous laissent vraiment une émotion. Sur un volcan, naît quelque chose d’extraordinaire » … et de vraies pépites viticoles, par-delà les frontières, constitutives d’un nouveau territoire du vin.

Cette 2e partie des « mues du vin » a paru dans le magazine Le Point en ligne le 29 février 2024:
https://www.lepoint.fr/vin/les-vins-d-auvergne-operent-leur-mue-29-02-2024-2553863_581.php
Voir également la 1ere partie ici:
https://lesclosdemiege.fr/2024/02/les-mues-du-vin-1-avec-le-no-low-le-vin-dans-ses-dernieres-extremites
Et la 3e partie ici:
https://lesclosdemiege.fr/2024/03/les-mues-du-vin-3-le-vin-venu-de-lest-agent-dintegration-politique/

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