Le concours itinérant des Grenaches du monde, créé en 2013, sera accueilli les 15 et 16 septembre prochains à Montpellier sur les terres des vins de Pays d’Oc. L’occasion est belle de revenir sur l’un de nos grands cépages, aujourd’hui 7e variété la plus plantée dans le monde. Trait d’union de l’arc méditerranéen, comme le souligne Philippe Bourrier, président du CIVR, d’Espagne jusqu’en Sardaigne, c’est l’expansion des rois d’Aragon aux XIVe et XVe siècles qui a fixé les contours de son implantation.
L’origine du cépage remonte à ces siècles anciens, peut-être plus loin encore, plutôt du côté du  garnacha aragonais, du garnatxa catalan (nom qui désignait la couleur de la robe du roi, similaire au vin rouge) que du cannonau sarde. 200 000 ha, dont 100 000 ha en Espagne et 90 000 en France (40 000 ha rien qu’en Languedoc-Roussillon), en Sardaigne, mais aussi en Grèce, au Portugal, au Maghreb, le grenache se diffuse sur tout le pourtour méditerranéen.


Cépage du vent et du soleil, de l’aridité, il y affectionne les sols maigres et secs, graveleux ou caillouteux. Cépage multiple, il s’offre avec gourmandise dans toute la diversité de sa palette, en rouge, blanc, gris, en sec, doux ou effervescent. Sa dimension d’héritage commun que lui confère le temps, chacun se l’approprie à sa guise. Cépage-phare des Vins Doux Naturels, aujourd’hui cépage-roi des vins rosés du sud, aromatiques et légers (les IGP Pays d’Oc en produisent près de 483 000 hl), il donne des vins rouges puissants, soyeux, colorés, généreux, de faible acidité. Dans la rondeur de tanins fondus se développent des arômes de fruits noirs, pruneau, épices, mais aussi de cacao et café sur les vins mutés. En rosés de gastronomie, il s’enorgueillit de nourrir l’un des meilleurs rosés du monde à Tavel (Gard). Blancs à travailler dans la fraîcheur et gris, qui apportent une complexité, s’expriment à merveille sur ces terroirs méditerranéens que l‘on croirait inventés pour eux. Cépage hors de temps, il n’est pas rare de le rencontrer dans des flacons de 50, 80, 100 ans, en doux ou rancio, blanc ou rouge qui ont forgé la réputation de Banyuls, Rivesaltes ou Maury.


C’est alors que, révélateur de lieux sur lesquels il croît, le grenache « devient prétexte à parler de nos terroirs et de nos origines » avec Fabrice Rieu, vice-président du CIVR et président du concours. Grenaches du monde accueille ainsi toutes les variantes, du lledoner pelut catalan au bordo italien, et même cette année un hybride, le marselan (croisement avec le cabernet), voire bientôt des cépages résistants comme le caladoc (croisé avec le malbec).
S’il excelle en Roussillon, sur 8 000 ha, ou en combinaison avec la syrah et le mourvèdre dans le Languedoc, ne dit-on pas que le grenache, en Vallée du Rhône méridionale, est le maître des châteauneuf-du-Pape ? C’est aussi avec les rouges du Priorat catalan qu’il a trouvé ses lettres de noblesse.


Se faisant l’expression de cet art d’exalter un terroir, le concours de grenaches du monde endosse le rôle de valorisateur de territoires avec le cépage comme ambassadeur. Reçu une année dans des monastères cisterciens d’Aragon, il accomplit une autre année le tour de l’île de Sardaigne, pour se poser bientôt sur les rives de l’Étang de Thau, où les romains installèrent une viticulture lucrative il y a plus de 2000 ans.
Le grenache, un cépage « aimable » ?  Fabrice Rieu emploie l’adjectif à dessein pour décrire son aptitude à séduire les publics, par son caractère fruité, sa rondeur, sa capacité à être très vite prêt à boire, dans tous les moments de consommation, comme à vieillir. Le metteur en marché entend par là aussi l’utiliser comme levier à l’exportation, à l’instar de grenaches espagnols, pour conquérir de nouveaux pays, de nouveaux marchés. Parmi les éléments fondateurs de l’économie viticole méditerranéenne, voici que le grenache se mue en globe-trotter de choc et de charme.


Dans cette lignée dynamique, la 8e édition du concours des Grenaches du monde vise, avec l’objectif de 900 échantillons présentés, à atteindre l’importance du premier concours mondial, celui du sauvignon. La dégustation se déroulera dans le vaisseau-amiral des Pays d’Oc fraîchement construit en face du Domaine de Manse, où la plus grande salle de dégustation du monde (81 postes) accueillera 80 jurés internationaux. La part belle accordée aux importateurs, distributeurs et acheteurs (55 %) dans le jury, le choix du lieu démontrent la volonté d’ancrer la manifestation dans une démarche économique, impliquant des retombées de vente pour les vignerons, aidant à leur communication et leur diffusion dans le monde. Jacques Gravegeal, président des IGP Pays d’Oc, nourrit des ambitions à l’export s’appuyant sur le grenache, dont il loue le rôle majeur : « si les Pays d’Oc sont devenus les premiers producteurs de rosé, c’est grâce au grenache » (30 % de ses volumes). Avec plus de 700 000 hl produit sur les trois couleurs, l’hôte de la prochaine édition fourbit des armes de poids.


Le concours distinguera de « super ambassadeurs », soit par couleur, par catégorie de vins, pays, etc. Une soirée de gala au Domaine de Verchant et une Nuit des grenaches ouverte au grand public au Corum complèteront le programme, avant qu’une présentation n’ait lieu à New York au printemps 2021.
Le grenache, taillé pour durer, chevillé à sa Méditerranée originelle et ouvert au monde, poursuit son aventure, immuable et changeant.

Cet article a paru sur le magazine Le Point en ligne le 25 août 2020:
https://www.lepoint.fr/…/grenaches-for-ever-25-08-2020-2388

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