L’Assemblée Générale annuelle des IGP Pays d’Oc revêt chaque année une importance renouvelée, de par leur poids économique – 6 millions d’hectolitres produits, 1erexportateur français, 6eexportateur mondial – mais aussi par l’envergure des sujets abordés dans les différents rapports, tant d’activité que de prospective. L’AG 2018, le 13 décembre à La Grande-Motte, n’a pas failli à la tradition d’un longue et intense compte-rendu. Les actions de défense, de promotion et d’une active communication (1), présentées par la Directrice générale, Florence Barthes, comme le plan de filière Vin Occitanie, voulu au niveau national par le Président de la République et régionalisé par la volonté de l’IGP Pays d’Oc rappellent le travail mené en traçant des lignes directrices pour l’action à venir. Exposé longuement par Jacques Gravegeal, président de l’IGP, il se conçoit comme un document d’étape à travailler. Il s’articule autour de la responsabilité sociétale des entreprises, de la création et du partage de la valeur (avec la nouvelle IGP Terres du Midi ou la contractualisation pluriannuelle des achats au vigneron), de priorités de R&D et de l’export. Les démarches pour faire évoluer le cahier des charges de l’IGP, ainsi que le projet MUSE de mise en commun des moyens de recherche et d’expérimentation viticole offrent l’exemple de la place particulière, accordée avec insistance, aux thématiques environnementales liées à la consommation de pesticides et aux changements climatiques. Les choix de développement se portent sur la norme Haute Valeur Environnemental (HVE) qui réduit l’utilisation de produits phytosanitaires et d’eau, sur la recherche de fongicides sans résidu pour remplacer les pesticides, avec une volonté de progression de +40% dans les dix ans des hectares couverts, et sur la lutte contre la sécheresse. Il s’agit de lancer, selon Jacques Gravegeal, un plan qui développe les réseaux d’irrigation et créé de réserves d’eau, car « l’eau, ça se partage », mais aussi de batailler contre les pesanteurs administratives et normatives qui entravent ou ralentissent les innovations. Car l’enjeu relève de l’adaptation des vignobles occitans aux contraintes environnementales futures, tout en luttant contre une concurrence mondiale féroce. En ligne de mire, pointe la préoccupation constante de pérenniser la culture viticole, ainsi que la notoriété des IGP Pays d’Oc, et de renouveler les générations de vignerons en Occitanie.
La faiblesse de récolte historique en 2017, occasionnant un recul de – 400 000 hl de vins labellisés, et un résultat négatif (à – 430 000 €) a-t-elle influé sur la réflexion, à l’image de l’évolution du cahier des charges que souhaite l’IGP ? Baisse du Taux de T.A.V. (2) de 10° à 9°, opposition à l’intégration de mesures agro-environnementales, introduction de vins mousseux de qualité et de cinq cépages résistants dans la liste secondaire, à hauteur de 15 % maximum du volume, les démarches en cours pour faire bouger les lignes sont clairement fixées.
Le projet MUSE – Montpellier Université d’Excellence – entend optimiser l’expertise d’un pôle de recherche agronomique unique au monde, vivier de 182 scientifiques concentré à l’INRA, Sup ‘Agro et l’Université. Il s’agit d’utiliser ce pôle d’excellence comme levier pour dessiner les contours d’une nouvelle donne viticole, en termes de cépages, d’environnement, d’adaptation aux changements climatiques.
« Notre ADN, c’est le cépage à notoriété » martèle Jacques Gravegeal, qui souhaite favoriser des variétés compatibles avec le marché. Plusieurs interventions reviennent en détail sur les variétés résistantes, créations qui permettraient de se passer de pesticides. Cinq variétés, allemandes (muscaris, souvignier gris, cabernet cortis et cabernet blanc) et italienne (soreli), sont en cours d’expérimentation, depuis 2014, pour leur résistance à l’oïdium et au mildiou, sur les sites de Marsillargues et Servian dans l’Hérault, Alaigne dans l’Aude, Trouillas, Saint-Nazaire et Alénya dans les Pyrénées-Orientales. Au terme de résistance, Nathalie Goma-Fortin, de la Chambre d’agriculture de l’Hérault préfère le vocable de tolérance forte, car il ressort de leur observation la nécessité d’effectuer deux traitements au moins contre oïdium et mildiou sur ces variétés.
En dégustation, le souvignier gris, constant dans son équilibre, exprime une vivacité et des notes végétales et vif. Le muscaris, très précoce, accumule rapidement les sucres, tandis que le cabernet cortis s’avère très résistant. L’italien soreli donne au Domaine du Chapitre, près de Montpellier, un vin fin, élégant, au profil de fruits tropicaux. Premières ébauches de goûts auxquels le consommateur devra s’habituer dans quelques décennies ? Laurent Torregrosa, chercheur à Sup ’Agro Montpellier, pose la donne environnementale : la vigne occupe 3% de la surface agricole utile (S.A.U.) mais consomme 20 % de pesticides utilisés en agriculture. Outre les recherches allemandes et suisses, qui ont pris de l’avance sur les recherches françaises, Alain Bouquet, chercheur bordelais a développé pendant des années jusqu’à son décès un programme de rétrocroisements entre qualité et résistance, jusqu’à multiplier les hybrides dit de variétés Bouquet. Une cinquantaine d’entre eux restent proches de vitis vinifera, dont sont issus nos cépages européens. Elles accumulent une moins grande teneur en sucre que les variétés allemandes, le muscaris par exemple. Des programmes de création variétale ont été lancés il y a quelques années dans toutes les régions françaises. A Pech Rouge, près de Gruissan (Aude), les chercheurs se sont fixé quatre objectifs : durabilité de la résistance, adaptation au climat, compatibilité avec la mécanisation et qualité. Les chercheurs ont même ajouté un programme, sur fonds propres, par rapport à un critère d’économie d’eau. Cette recherche prendra des années encore : les chercheurs savent où se trouve le gène responsable d’une résistance, connaissent son efficacité, mais pas le mécanisme moléculaire.
En appuyant, dans son Assemblée Générale, sur les ressorts futurs de la viticulture, IGP Pays d’oc prend sa part dans la réflexion pour dessiner un nouveau Languedoc viticole. Un siège social au Domaine de Manse flambant neuf y contribuera, après de grands travaux pour mieux déguster, se réunir et accueillir les acheteurs venus du monde entier. « La concurrence va être féroce, la rigidité des pouvoirs publics, des filières à basculer » insiste Jacques Gravegeal, avant de conclure sur la nécessité de faire taire l’agribashing et de rester unis: « Il faut rassembler les forces de l’agriculture ».
(1) Voir la campagne télévisuelle sur France Télévision: https://youtu.be/LWX6H3nAaNI
(2) Titre d’alcoométrie volumique