« De la grappe brandie par le cep tourmenté, lourde d’agate transparente et trouble, ou bleue et poudrée d’argent, l’œil remonte jusqu’au bois dénudé, serpent ligneux coincé entre deux rocs : de quoi s’alimente ce plant méridional qui ignore la pluie, qu’un chanvre de racines retient seul suspendu ? La rosée des nuits, le soleil des jours y suffisent –le feu d’un astre, la sueur essentielle d’un autre- merveilles… »
Colette, Prisons et Paradis (1932)
Journée bénie des cieux, et qui sait des dieux !, le 21 Mai, sous un soleil généreux, de nombreux visiteurs ont répondu à l’appel de Mai de l’art dans ton vin, manifestation dédiée à une culture du vin joyeuse et active, qui a connu une belle affluence tout au long de la journée.
Le parcours artistique a animé les vignes, y insufflant poésie et élan créatif, surprenant les visiteurs dès leur arrivée, interpellant leur curiosité, leur amour de la nature ou d’arts minutieux. Dans la continuité des grandes installations de Magali Sablier, Joël Bast et Evy Grandrie, une seconde partie, plus intimiste, a rassemblé sculptures en grès chamotté de Brigitte Boursereau, dessins de Florence H, collages de Florence Rieu autour de bouteilles et autres contenants du vin, ainsi qu’une création d’Isabelle Piron sur la cuvée L’Originel des Clos de Miège. Le « vernissage » à ciel ouvert a pris soin de bathintroniser le Claude de Miège, personnage qui « taille la vigne, travaille dur » et vient m’épauler, selon son créateur, Joël Bast. Le dialogue ainsi établi entre arts et vins, les dégustations de breuvages biologiques régionaux se sont succédées, suscitant affluence et intérêt pour des pratiques saines. Questions et éclairages sur les conduites à la vigne et en cave ont balayé le spectre des différents choix des vignerons, et de caves coopératives, de la certification en vins biologiques jusqu’aux méthodes alternatives en biodynamie, très poussées dans leur exigence avec les méthodes sans soufre ajouté, vegan ou Bee friendly (amical avec les abeilles). L’accord avec les mets bio du food truck, présent malgré un accident peu avant son arrivée, a sublimé vins blancs, rosés et rouges proposés, illustrant par l’exemple toutes les saveurs et les arômes révélés par des conduites en mode biologique. La cuvée Prima Ora des Clos de Miège récemment médaillée s’est mariée dans de belles harmonies avec des desserts qui ont rallié tous les suffrages. Une note d’émotion pour moi que de voir mes vins dégustés tout à côté des grappes à peine formées, promesse d’une nouvelle récolte du précieux nectar.
Des lectures d’écrits prestigieux sur les vins et témoignages sur les muscats de lieux, une balade dans le patrimoine en fin de journée, à l’ombre des pins du Moulinas, ont complété connaissance et savoirs autour des vins, dans une même ambiance joyeuse et conviviale. Les musiciens Jean Alingrin et Jean-Louis ont complété ce pan patrimonial par un répertoire joué et chanté, repris par les convives au cours du repas, par les artistes et visiteurs dans les vignes où ils promenaient haut bois et tambour. L’hymne mirevalais « le nectar rabelaisien » y figurait en bonne place.
S’il avait été décidé avant la manifestation que ce galop d’essai serait reconduit, le vif succès qu’elle a rencontré, l’intérêt pour son originalité, permettent d’ores et déjà d’annoncer une édition étoffée en 2018 selon le même précepte de mixer différentes cultures et connaissances autour de vins sains en pleine nature. La vigne du Four, quant à elle, a retrouvé sa paisible solitude, troublée seulement des soins apportés à la végétation en prévention des maladies. Mais elle conserve l’empreinte de cette formidable journée qui l’a faite vivre et vibrer.
J’ai, quelque jour, dans l’Océan,
(Mais je ne sais plus sous quels cieux)
Jeté, comme offrande au néant,
Tout un peu de vin précieux…
Paul Valéry, « Le vin perdu »
Quelques aperçus de Mai de l’art dans ton vin