Au matin, relevant les branches tombées sous le vent violent, elles se dévoilent au regard …
Les premières grappes en cours de véraison s’enflent, virent du vert opaque au jaune, deviendront translucides. Le grain, sous les doigts, s’amollit. Tentée, je le goûte, encore acide et déjà chaud malgré l’heure matinale.
Nous entrons dans la dernière ligne droite, la plus éprouvante, avant les vendanges. Epargnés par les intempéries qui ont ravagé ces derniers mois les vignobles un peu partout en France, et ruiné les futures récoltes, nous avons subi, au cours d’un printemps humide et terne, le millerandage (certains grains ne se sont pas développés), puis les attaques de mildiou, oïdium ou black-rot. La rude bataille engagée aux Clos de Miège a contenu les maladies, par surveillance et anticipation des traitements, tous biologiques bien sûr.Le sprint final vers les vendanges ressemblera plus cette année à une course de fond. Tenir la distance et garder le moral: la maturation est en retard, les grains ne grossissent pas toujours bien. Le premier tri à la parcelle, pour ramasser en maturité minimale et conserver une pointe d’acidité au raisin n’est pas prévu avant le 25 août (au lieu du 15 août l’an dernier). Les sélections en passerillage, lorsque le raisin aura séché sur pied, tomberont au moment des équinoxes, ou à leur suite, c’est-à-dire avec des risques de violents orages ou de pluies fortes, prêtes à mettre à terre des grappes devenues toutes légères.
Si les conditions de vendanges, à l’image de toute l’année 2016, s’annoncent difficiles et complexes, pas question pour autant de relâcher l’exigence à la parcelle (tri sélectif, mise immédiate en cuve de transport réfrigérée) comme à la vinification ou l’élevage (pressurage doux, pas de sulfites). Nous n’en poursuivrons pas moins le chemin opiniâtre vers la qualité, l’attention sur nos pratiques, le souci d’être le plus naturel possible, c’est-à-dire exempt de pesticides, sans ajouts si ce n’est des produits certifiés bio en élevage, rien au pressoir, des sulfites limités au strict minimum à la mise en bouteille.
Un double défi s’offre aujourd’hui aux Clos de Miège: augmenter les rendements, que je qualifie souvent de plus que romains (1), conserver la même qualité avec l’apport en production d’une nouvelle parcelle, sur un terroir ouvert à la brise maritime, plus caillouteux. Ainsi n’aurons-nous pas à faire face, en pleine chaleur, un 29 juillet, à une nouvelle mise en bouteille, faute de stock, qui puise dans les réserves destinées au prochain Prima Ora (en 2018).
C’est que vous aimez avec nous ces vins naturellement doux qui ne ressemblent à aucun autre, que vous avez accepté la proposition de partir à la recherche de goûts perdus! Cette reconnaissance, pas à pas, sonne comme un encouragement. Replanter, oui, il le faudra. Surgreffer aussi … et d’autres expériences. Un vrai enherbement conforterait la biodiversité déjà riche des parcelles et réduirait le stress hydrique sur la parcelle du Four.
Mais Petit Clos ne veut pas devenir gros, il s’agit de poursuivre un lent apprentissage. C’est la promesse, à l’aube de nouvelles vendanges, faite à ces vieilles vignes qui m’offrent leurs grains uniques, porteurs, à l’aube ce matin, de tous les espoirs.
(1) Les découvertes récentes montrent, de plus, que leurs rendements étaient supérieurs à ce que nous estimions, jusqu’à 20 hl/ha. Je suis très très en dessous