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Après les événements montpelliérains, la présentation des vins aux professionnels s’est poursuivie au Salon International de l’Agriculture à Paris, grand rendez-vous annuel viticole également. S’y dessinaient les contours d’un millésime 2015 qui tient ses belles promesses dans l’Hérault. Terre antique de vins blancs, puis de rosés, les clairets, il déploie sur son littoral, d’Agde à Lunel, une viticulture encore massivement basée sur ces couleurs. Le raisin a bravé les épisodes climatiques. Sécheresse tout l’été, orages ou pluies abondantes au moment des vendanges ont contrarié la maturation du raisin, mis à rude épreuve son état sanitaire, et les nerfs des vignerons, entre nécessité de laisser mûrir et impératif de récolter avant les ondées. Leur art et leur maîtrise ont eu tout loisir de s’exprimer sur ce millésime difficile. La quantité était globalement au rendez-vous et une belle qualité se confirme partout. Restait à reconduire, en vinification, un même profil de vin « pour que le consommateur retrouve son produit » explique Frédéric Bailleux, directeur des Vignerons de Lunel.
Sur le terroir des muscats, les blancs secs se sont révélés d’une grande richesse aromatique typique du cépage à petits grains, marqués cette année par le fruit de la passion, le pomelos, le citron, ainsi qu’une dominante pêche des vignes, avec de la rondeur et du gras sur les vins biologiques, très présents sur le littoral. Olivier Robert, au Mas de la Plaine Haute à Vic-la-Gardiole, met en avant une année peu commune pour le muscat, retardé dans sa maturation pour l’élaboration des vins doux naturels (VDN). Du gras, de la rondeur, un bel équilibre ressortent aujourd’hui en dégustation. A la cave de Frontignan, où ils occupent encore 73 % de la production, Deborah Donnadei confirme les notes dominantes de fruit, « expression des beaux raisins récoltés » sur les muscats en AOP. Après les pluies, le vent du nord qui séchait les grains a œuvré pour les passerillages. Les raisins récoltés tardivement ont développé une grande complexité.
2015 consacre le picpoul, avec une vendange abondante compensant une faible récolte en 2014. Ce cépage tardif, qui n’a pas subi les pluies, a, par nature, la peau dure! Très floral, d’un bon équilibre en bouche, il révèle de Florensac jusqu’à Mèze, en passant par Castelnau-de-Guers, « une belle expression aromatique, avec de l’élégance, de l’harmonie » note Joël Jullien, directeur des Vignerons de Pomerols. Olivier Azan, au Domaine du Petit Roubié à Pinet, met l’accent sur « une belle acidité, du fruit, de la longueur en bouche, et de la vivacité». Sur les hauts terroirs, les picpouls expriment « du volume, de la matière, de la rondeur travaillée sur lies » chez les Vignerons de Montagnac.
D’une manière générale, 2015 préfigure une grande année pour les AOP Blancs, issues d’un grenache et vermentino au mariage harmonieux, d’un viognier remarquable quand récolté bien mûr, roussanne et marsanne apportant de la complexité.
Les Vins de Pays blancs et rosés se parent de belles robes franches, limpides, avec une bonne maturité en général, des niveaux d’acidité et de fraîcheur intéressants. « Les pluies ont été très opportunes, nous avons eu très peu de corrections à faire sur les acidités, beaucoup d’arômes en Cœur d’Hérault » ajoute Jean-Louis Reffle, directeur des Vignerons de Montagnac. Le grenache blanc, emblématique du Languedoc, se découvre très floral en Pays de Thau. Quant au cépage – roi cette année, le vermentino, il se révèle tout en rondeur.
Symbole de la culture méditerranéenne, les rosés seront eux aussi très frais, avec de bonnes acidités. La star en sera le grenache, marqué fruits rouges et fruit de la passion, à la belle robe très pâle, expressive. Le muscat aussi prend des couleurs, à l’exemple de la cuvée Terres roses à Frontignan, aux arômes musqués, assemblage de muscat blanc et de muscat rouge.
Blancs secs et rosés sont déjà mis en bouteille et commercialisés depuis quelques semaines, avec un bon démarrage des ventes. La fraîcheur du millésime 2015 séduit, les résultats du Concours Général Agricole de Paris en attestent, avec une moisson de médailles sur le littoral. Le lent cheminement de ces vins arrive dans la dernière étape: la rencontre avec les consommateurs, pour être bus dans l’année avec toute leur vivacité, leur belle typicité d’une vendange 2015 … entre les gouttes.
Article paru le 4 mars 2016 dans Montpellier-Infos et Thau-Infos