En mode on, à Millésime Bio, en mode off dans les salons environnants ou les soirées accoutumées, le chant des terroirs résonnait tout autour de Montpellier en cette fin janvier.
Qui voudrait découvrir les terroirs du Languedoc pourrait les aborder par les Vinifilles, association de vigneronnes qui fêtait ses dix ans le 27 janvier au Domaine de Biar, près de Montpellier. Dans leurs domaines, tous les sols, de schistes, galets roulés, ou calcaires, tous les paysages d’altitude ou plus littoraux, et tous les savoir-faire exposent la diversité du Midi viticole. Une diversité qui s’écrit au féminin, inscrit des personnalités, des vins de vigneronnes dans le paysage d’Occitanie.
D’une cuvée, jaillit tout à coup un patrimoine. Au Château Beaubois à Franquevaux en Costières (Gard), Fanny Boyer-Molinié renoue avec une tradition régionale, celle de la toile de Nîmes qui a donné naissance au jean américain, avec un flacon militant, pour relocaliser la production du textile dans son berceau. La cuvée collector Ramenons le Denim à la maison, née de sa rencontre avec Guillaume Sagot, des Ateliers de Nîmes, se pare du célèbre bleu pour en porter la renommée. Patrimoine d’un terroir, Castel fossilibusde Françoise Ollier à Fos (Hérault) exprime avec ses notes fumées, grillées la quintessence du schiste sur les plus vieilles vignes du domaine, dont les racines se perdent dans le sol feuilleté du Faugérois. L’AOP, à 50% bio, affiche ses Grands Vins de Nature . Les galets roulés, les marnes alluvionnaires de Séverine Bourrier, au Château de l’Ou, à Montescot (Pyrénées-Orientales) allient fraîcheur, minéralité et puissance sur ses vins blancs. Quant aux schistes-mosaïques du domaine, à Maury, ils engendrent puissance et finesse sur un grenache Rhapsodyou sur une cuvée emblématique des Vinifilles : Compartir (partager en catalan). Quelle plus belle conclusion à cette soirée scintillante que la cuvée Male de Valérie Tabariès-Ibanez, aux notes de cacao fondus, puissantes, à garder dix ans au moins. Un des plus beaux Languedoc-Grés de Montpellier, encore récompensé d’or à Millésime Bio.

Ambiance Wine Calling à Roots 66, où quelques-uns des vignerons filmés pour le documentaire de Bruno Sauvard se retrouvent. Roots, racines en français, nous sommes dans le vif du sujet. Sans labels, sans intrants, souvent en macération carbonique, « on essaie de faire les vins qu’on a envie de boire » raconte Sylvain, de la Cave apicole à Montner (Pyrénées-Orientales). La tramontane qui sèche les raisins, pas trop de vigueur végétale limitent les pertes par maladie. Coteaux nord sur schistes du Débit d’ivresse à Estagel, travail sur cépages autochtones avec un lladoner pelut, dérivé du grenache, rustique et complexe, à La Cave apicole ou à La Petite Baigneuse, ils l’aiment, leur terroir, avec sa salinité, ses VDN mutés d’un autre temps, des grenaches de plus de 100 ans à la petite Baigneuse en Maury, un Rivesaltes grenat sur vieilles vignes au Domaine Poc a Poc à Paziols, arômes de cerise qui ne demandent qu’à vieillir encore… Et les blancs ! Java, muscat sec sur petits grains et Alexandrie de la cave Apicole, vendangé en sous-maturité pour limiter l’explosion aromatique du cépage et le degré, se pare d’arômes de litchi et citron, déjà exubérant sur ses terres ancestrales.
Carignan blanc, carignan gris ressurgissent aux côtés des incontournables grenache et maccabeu. Un Juste ciel fin, un peu salé, soyeux de La petite Baigneuse, sur de très vielles vignes, dont 40 % franc de pied[1], est élaboré sur des parcelles, les plus pauvres, données autrefois aux ouvriers agricoles de grands domaines. Le sol de schiste noir drainant en haut d’un coteau plein nord ne fait pas plus de 15-20 cm d’épaisseur avant la roche ! Au pied des châteaux cathares, Xavier Ponsart élabore des blancs aux notes de fruits exotiques (c’est le grenache gris) et à la vivacité du maccabeu. Poc à Poc, petit à petit, il fait son nid.

Ces vignerons croquent la vie et le vin, un vin sans artifice, affranchi. Ces défricheurs de nouveaux modes d’élaboration entrent dans la filiation de ce qu’était la culture biologique à ses origines, perçue comme rebelle et marginale. Nouveaux pionniers ? Ils accompagnent la nature, travaillent en levures indigènes, sans intrants ni recours à des techniques qu’ils réprouvent (filtration, flashpasteurisation, etc), souvent sans sulfites ajoutés ou à des dosages faibles. Autres goûts, au plus près de l’expression du raisin, et de lui seulement. La terre les aime, en particulier dans le Fenouillèdes où ils se sont installés en nombre, remettant en production des vignobles abandonnés, des patrimoines enfouis. Bio, biodynamiques, nature, le chant des terroirs résonne en eux aussi, écho de vignobles qu’ils préservent.

Les domaines cités dans l’article – un grand merci à eux pour leur accueil et leur disponibilité ! – :
Château Beaubois, Fanny Boyer-Molinié, Franquevaux (30)
Domaine Ollier-Taillefer , Françoise Ollier Fos (34)
Château de l’Ou, Séverine Bourrier, Montescot (66)
Domaine de Roquemale, Valérie Tabariès-Ibanez, Villeveyrac (34)

La Cave apicole, Olivier Cros et Sylvain Respaut, Montner (66)
Le Débit d’ivresse, Luc Devot, Estagel (66)
La petite Baigneuse, Philippe Wies, Saint-Paul-de-Fenouillet (66),
Poc a Poc, Xavier Ponsart, Paziols ( 11)

[1]C’est-à-dire sans surgreffage de porte-greffe américain, contre le phylloxéra

Voir également : Le chant des terroirs à Millésime Bio:
https://lesclosdemiege.fr/2019/02/le-chant-des-terroirs-biologiques-1-millesime-bio-2019-a-montpellier/

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