Photo: CIVL

Dans une actualité pesante, entre gelée noire sur les vignobles et désespérance de jeunes viticulteurs, et entre deux tours d’élection présidentielle, la question de l’avenir de notre vignoble, le plus grand au monde, prend une acuité particulière. Sous la présidence de Marie-France Marchand-Baylet, le groupe de presse La Dépêche, l’a posée au cours des 4e Rencontres d’Occitanie, réunissant tant acteurs économiques qu’administratifs à Montpellier. Gérard Bertrand, président de la société des vins éponyme, et Florence Cathiard, présidente du Conseil Supérieur de l’Oenotourisme ont lancé le débat, entraînant les vins de la région à la conquête du monde et de l’oenotourisme, deux versants à explorer, à déployer pour la filière vin.
Gérard Bertrand propose de « porter sur les fonds baptismaux une nouvelle vision de la vigne », grâce à « un nouveau paradigme », qui passe du savoir-faire,  « la qualité n’est plus une option, il faut viser l’excellence », au faire-savoir, une communication à l’échelle mondiale. Il convoque l’imagination, identifie les impératifs, mobilise des points forts. Au premier chef, deux piliers porteurs d’avenir : la naturalité, « Notre ADN, c’est le bio, la biodiversité, les rivages méditerranéens, l’histoire, qui nous donnent une dimension œnotouristique formidable », et la premiumisation, une montée en gamme basée sur la segmentation et la hiérarchisation des vins. Une pyramide fournit sa vision à dix ans d’une nouvelle organisation de la filière. Ancrés dans la diversité des terroirs et des cépages,  confortés par des IGP de zone liées au patrimoine (IGP du Pont du Gard, Cité de Carcassonne) nourris par un potentiel de production  et de qualité en rosé, les axes de développement s’enrichissent d’une exigence sur l’accueil et le service auprès des touristes, attirés par les valeurs de bien d’être, d’art de vivre méditerranéen. Sur ces bases, une communication puissante autour des vins pourra conquérir l’international, à l’instar de la voie qu’il a tracée avec sa société, présente dans 160 pays, avec 100% de vins issus de la région. Le faire-savoir passe, selon Gérard Bertrand, par la marque Sud de France, « connue et géographiquement localisable mondialement », et des moyens financiers à hauteur de 25 millions d’euros. A nouvelle construction, nouvelle gouvernance. Le négociant appelle tous les présidents des interprofessions à se rassembler pour former un bras armé afin de propulser la région sur la scène internationale. Fédérer Toulouse et Montpellier, fédérer les salons importants que sont Vinisud et Millésime Bio, s’appuyer sur la gastronomie du Sud-Ouest, tout fait lien.

Florence Cathiard, propriétaire du Château Smith Haut Lafitte, grand cru classé bordelais, exprime les potentialités de l’oenotourisme, « réelle piste d’avenir » qu’elle a exploré avec le concept de vinothérapie. 10 millions d’oenotouristes en France en 2016, dont 42 % d’étrangers, une progression constante, un poids économique (5,2 milliards d’€ dépensés en 2016) font monter la filière en puissance. L’oenotourisme qui en est à ses balbutiements dans la région,  peut générer des bénéfices supplémentaires, quel que soit la taille de la structure ». La chef d’entreprise pointe atouts et travers de la région avec la même franchise : « Le soleil, les vents forts qui sèchent les maladies et se font les alliés du bio, (…) partage, authenticité, grands chefs en cuisine, beauté de vos paysages, vous avez tout, il faut juste foncer ! », être plus solidaires, pour être plus attractifs, pousser plus les marques fortes dans une promotion offensive. Elle recommande de travailler sur l’image, entretenir le lien avec ses visiteurs sur les réseaux sociaux. Elle repère dans l’existence du plus grand vignoble BIO du monde un atout différentiel pour la région. Pour finir, Florence Cathiard lance quelques pistes, comme organiser une Union des grands crus, prendre une capitale du vin, Montpellier ou Carcassonne …
En réponse à ces interventions, le Crédit Agricole se pose en candidat pour intervenir et booster la montée en gamme. La Région peut fédérer autour d’un projet qui sera présenté à l’exécutif le plus tôt possible, à condition de présenter un visage uni. Les questions pointent freins et menaces qui pèsent sur cet élan économique fédérateur. « Pourquoi est-ce si difficile de se rassembler dans cette région ?» observe un acheteur anglais. Une montée en gamme est-elle possible dans l’état de pauvreté de l’Occitanie, vice-championne de France du taux de chômage et de pauvreté, décrit par un conseiller économique de la région ? A la menace d’une crise viticole imminente,  Jacques Gravegeal, président des IGP d’Oc estime que « un nouveau coup serait fatal », tandis que Gérard  Bertrand y voit « une crise de puberté » d’un mouvement enclenché il y a dix-quinze ans, inexorable, même s’il connaît des hauts et des bas. « La planète est devenue notre jardin. Il faut rester enthousiastes »
Les 4e Rencontres d’Occitanie ont montré par l’exemple, à travers la réussite brillante de deux pionniers, qu’une voie existe, ouverte à l’international. Ces mots porteurs d’espoir, qui insufflent innovation et dynamisme, réchaufferont-ils le cœur des vignerons gelés dans toute la région ? Eclaireront-ils les temps brumeux et les ciels chargés de nuage pour partir à la conquête du monde avant qu’il ne nous conquière ? Marie-France Marchand-Baylet donne rendez-vous à tous dans un an pour y répondre.
Florence Monferran

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