Les 32e Journées européennes du Patrimoine ont été l’occasion de mettre en lumière un joyau de l’architecture romane: l’église Sainte-Léocadie de Vic-la-Gardiole.
C’est au Moyen-Age que se fixe la physionomie du village: son implantation en hauteur, la forme de l’habitat regroupé autour de l’église et du château, son extension contenue à l’intérieur d’enceintes collectives, fortifiées plus tard. Au sortir des luttes pour le pouvoir, aux IXe et Xe siècles, l’incastellamento contient les habitants sous la domination du seigneur le plus puissant, ici l’Evêque de Maguelone, prévôt du chapitre cathédral. Preuve de cette puissance: le château a disparu, Sainte-Léocadie est toujours là! Construite sur une butte à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer, l’église telle que nous la connaissons date du XIIe siècle. Un édifice plus ancien, dès le VIIIe siècle, a été repéré par les archéologues. Fin XIe siècle, la paroisse est rattachée au chapitre de Maguelone, qui subvient à ses besoins, et l’église remaniée.

Un art roman peu commun
La singularité du nom sonne à l’oreille: Léocadie évoque une chrétienne de Tolède martyrisée après avoir appris le supplice d’Eulalie à Mérida. Les deux saintes sont importées par des réfugiés chrétiens fuyant l’invasion sarrasine de l’Espagne wisigothe. Eulalie devient patronne de Mireval, et Léocadie de Vic.
L’originalité du bâti frappe l’oeil. Jaillie d’un seul trait de la pierre prélevée directement sur la butte, le monument est construit sans fondations, en calcaire coquillier (mélange de pierre et de coquillages datant de l’invasion marine quaternaire). Nous sommes surtout en présence d’une église fortifiée, faisant partie d’un ensemble de 22 églises implantées le long du littoral pour sa défense contre les Sarrasins – Louis VII y fait allusion – mais aussi pour affirmer aux autres féodaux sa propre puissance. Ces édifices s’inspirent de ceux que les Croisés viennent de découvrir en Orient. Subsistent aujourd’hui de ce dispositif quatre églises fortifiées: Saintes-Maries-de-la-mer, Maguelone, Vic-la-Gardiole et Agde.
Pour assurer la fonction défensive, le plan de construction est minimaliste: un volume simple, long rectangle imposant, aux murs très épais (plus de deux mètres de large). Vus de l’extérieur, les contreforts massifs reliés par de grands arcs soutenaient des mâchicoulis et portent un chemin de ronde, comme à Agde, ainsi qu’un parapet et es créneaux. Les jeunes du village s’y promenaient encore, à la fin du siècle dernier. A noter: mâchicoulis et créneaux d’origine subsistent sur la façade occidentale et une des façades latérales.
Le caractère défensif de l’ouvrage prend le pas sur les éléments religieux à l’intérieur. Sainte-Léocadie est dépourvue d’abside, de chapelle et de transept, et de réelles ouvertures, plus proches ici de meurtrières. L’église faisait en quelque sorte office de donjon protecteur au château accolé à elle.
Un puits d’eau douce, au centre de la nef (et non à l’entrée comme on le pense souvent) permettait l’approvisionnement en eau, comme à Agde ou aux Saintes-Maries-de-la-mer. Relié au puits extérieur, il confortait l’aspect défensif: population et animaux se réfugiaient là en cas d’attaques. Quant au souterrain qui relierait l’église au château de Maureilhan, les fouilles archéologiques n’en ont pas trouvé trace.

Un modèle de construction romane
Sainte-Léocadie fait figure de modèle d’architecture romane par la maîtrise du matériau en calcaire coquiller: taille parfaite de la pierre, montage des parements, moellons montés en grand appareil, ce qui est peu fréquent dans la région. A l’intérieur, divisé en quatre travées, l’arc et la voûte en plein cintre obéissent aux règles de l’art roman.
Seule la première travée (en entrant) conserve aujourd’hui voûtes et couverture en pierre d’origine. la marque de l’escalier d’accès à la tour est encore incrustée dans le mur de droite. Quelques peintures ornent l’intérieur, et remplacent probablement des peintures murales du Moyen-Age. La sacristie et l’horloge datent du XIXe siècle.
Le classement en monument historique en 1921, puis l’installation d’une zone de protection élargie en 1949, contraignants pour le développement du village, en ont préservé l’authenticité. L’église Sainte-léocadie se dresse encore, telle un vaisseau-forteresse au-dessus des étangs, défi au temps, dont elle subit néanmoins les outrages. De larges fissures, derrières l’autel, alertent sur la nécessité d’une rénovation du site pour veiller à la conservation d’un capital patrimonial inestimable.

L’article a paru le 3 octobre 2015 sur Thau-Infos

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